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Pendant les journées du patrimoine des 16 et 17 septembre 2006, les visiteurs de la gare de Strasbourg pouvaient consulter un document rappelant son histoire. En mémoire à Benjamin Peyre, auteur de ce document, et avec l'aimable autorisation de son père, voici des extraits de son texte avec quelques images et photographies l’accompagnant. Le texte est complété par quelques informations et d'autres images ont été ajoutées.

 

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Dès 1838, le génie militaire français décide d’implanter un embarcadère de chemin de fer dans la ville de Strasbourg. Le chemin de fer fit son apparition en Alsace en 1839 (ligne Mulhouse-Thann), puis la mise en service de la ligne Strasbourg - Saint-Louis (commune française, frontalière de Bâle) donna lieu à l’ouverture, le 15 mars 1841, d’une station provisoire à Koenigshoffen. L'image ci-contre en montre le débarcadère utilisé de 1841 à 1852. Entre 1840 et 1848, une série de conférences se sont tenues à Strasbourg entre l’administration des Ponts et Chaussées, la compagnie Strasbourg-Paris et la compagnie Strasbourg-Bâle qui devaient partager la future gare.

De nombreux projets ont été présentés, mais aucun n’a retenu l’unanimité des trois parties. Le désaccord portait en particulier sur l’implantation de la gare, à l’intérieur ou l’extérieur de l’enceinte fortifiée de la ville, et donc à sa superficie présente et future. Fort d’être l’une des plus anciennes compagnies de France, la Strasbourg-Bâle ne voulait pas accepter une coopération avec Strasbourg-Paris, plus jeune et en pleine extension. La compagnie Strasbourg-Paris critiquait le projet concurrent, trop coincé par son implantation dans la ville historique.

Le conseil général des Ponts et Chaussées estimait que le projet de la compagnie Strasbourg-Bâle était bien pensé pour les voyageurs, mais réservait son avis sur « les formes du bâtiment », les abords mal aisés, le manque de possibilités de développements futurs et la probable destruction de la grande halle aux blés située à proximité.

 

 

La première gare de Strasbourg

 

 

Les trois parties étant incapables de s’accorder, la compagnie Strasbourg-Bâle prend le parti d’édifier une station provisoire en 1847 de façon à assurer sa propre exploitation. Le projet définitif de la première gare de Strasbourg, présenté le 6 janvier 1852 au conseil général des Ponts et Chaussées, fut approuvé.image003 La décision ministérielle intervint le 20 février 1852. La construction commença la même année à l’intérieur de l’enceinte historique de Strasbourg, le long du canal.

La ligne voyageurs Strasbourg-Paris est ouverte au public en juillet 1852, mais le bâtiment voyageur définitif ne sera inauguré que le 15 septembre 1854. Un traité de fusion des deux compagnies rivales est signé le 18 décembre 1853, créant ainsi la Compagnie de l’Est. La première gare est une gare en cul-de-sac où convergeaient les lignes d’Alsace- Lorraine.

 

La fin de la première gare

 

La gare étant détruite par les bombardements de septembre 1870, les allemands la reconstruisirent rapidement à des fins militaires sans en modifier les structures. Elle restera en service jusqu’à l’ouverture de la nouvelle gare en 1883.

Après la construction de la gare allemande, les installations ferroviaires furent détruites, mais le bâtiment voyageurs demeura intact. Il fut cédé à la ville de Strasbourg qui le transforma plus tard en marché couvert sans en modifier l’aspect originel. Le bâtiment a finalement été démoli en 1974 et le quartier réaménagé selon un vaste projet commercial et urbain achevé en 1978.

Quelques éléments de la première gare de Strasbourg sont encore visibles. Les anciens blasons aux armes des villes de Nancy - Metz - Châlons - Paris - Bâle - Mulhouse - Colmar - Strasbourg et Wissembourg qui ornaient la façade de la gare ont été scellés dans le mur de la berge (entre le pont de Paris et le pont du marché). Une plaque métallique autrefois scellée sur le pilier central du bâtiment voyageur indique toujours le point zéro des anciennes lignes de Paris et de Bâle.

 

Repères

 

L’actuelle gare de Strasbourg a été construite sous Guillaume Ier d'Allemagne, né le 22 mars 1797 à Berlin, mort à Berlin le 9 mars 1888, prince de la dynastie de Hohenzollern. Il fut régent de Prusse (1858-1861), roi de Prusse (1861-1888) puis 1er empereur allemand du 18 janvier 1871 au 9 mars 1888. Puis vint le règne de Frédéric III, roi de Prusse et empereur allemand. Il a régné environ trois mois en 1888 (né et mort à Potsdam, 1831 - 1888). Son numéro III est relatif au royaume de Prusse uniquement. Il mourut très rapidement après un règne de seulement 99 jours. Son fils Guillaume II allait lui succéder. De ce fait, l'année 1888 est connue en Allemagne comme étant l'année des trois empereurs.

GuillaumeDu 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871, l’Allemagne assiège puis fait capituler tout l’Est de la France jusqu’à Paris. Dès les premières victoires, conscient de l’intérêt stratégique du chemin de fer, le commandement allemand occupa l’ensemble des voies ferrées françaises disponibles et confia le trafic ferroviaire à diverses commissions militaires.

Le 10 mai 1871, le traité de Francfort « livre » les terres d’Alsace et une partie de la Lorraine à la domination allemande, et cela pour près d’un demi-siècle. Il leur cédait ainsi 1081 km de voies sur le réseau des Chemins de fer de l’Est. Ce nouveau réseau pris le nom de Réseau E-L : Kaiserliche Generale Direktion der Eisenbahnen in Elsass-Lothringen (Alsace-Lorraine). Il relevait directement de la chancellerie à Berlin, comme la poste, les universités, les forêts et les mines.

La direction générale du réseau fut établie à Strasbourg et devint autorité publique indépendante (et non plus militaire) en 1878. Le personnel fonctionnaire était recruté en Allemagne car les cheminots français avaient, pour la majorité, choisi de retourner en France. L’ancienne gare terminus, trop petite, était impossible à agrandir du fait de son implantation sur une parcelle étroite. Elle fut donc remplacée par une gare dite «de passage » plus grande, implantée à l’emplacement des remparts du XVIIe siècle démolis pour l’occasion.

Devenue une ville moyenne de 85 000 habitants, Strasbourg est soudain promue capitale du Land Alsace-Lorraine et bénéficie d’un plan d’extension qui triple sa surface. Strasbourg se peuple d’une importante immigration régionale, alsacienne, badoise et allemande. En 1880, elle devient métropole, puis atteint les 180 000 habitants en 1914.

Le chemin de fer était pour Berlin un instrument stratégique et militaire de premier plan, d’où l’importance des investissements. Trois cent cinquante gares furent construites en Alsace-Lorraine durant l’occupation allemande. Le Reischland (terre d’empire en allemand) s’efforçait de faire de Strasbourg (devenue Strassburg, une vitrine des bienfaits procurés par l’administration allemande. Les meilleurs architectes allemands sont envoyés à Strasbourg pour bâtir le Palais impérial, le Palais universitaire, la bibliothèque Nationale, l’hôtel des Postes et la gare centrale qui sera le premier bâtiment à être mis en chantier.

 

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La gare actuelle

 

La gare centrale

 

Le projet de gare fut l’objet d’un concours ouvert à tous les architectes de langue allemande. Le lauréat fut Johann Eduard Jacobsthal, architecte et professeur à l’université polytechnique de Berlin, déjà auteur de la gare de Metz. Il fut décidé de faire une gare à deux niveaux, avec de larges souterrains sous les quais. Très pratique pour les gares dîtes « de passage », cela évite de traverser les voies à pieds.

Les travaux commencèrent en 1878, la gare fut inaugurée le 15 août 1883 mais ne fut achevée qu’en 1898. En 1885, la gare est connectée au réseau de tramway. Elle fut le premier bâtiment de Strasbourg entièrement éclairé à l’électricité. La façade est en grés bigarré des Vosges sur un socle de granit. Elle mesure 185 m de long, 17 m de large et 24 m de haut.

Un immeuble de trois étages surmonte le mur-façade de l’aile Nord depuis 1901, il abritait la Poste jusqu’en 2005. En 1902, l’escalier de l’empereur est ajouté, il permet l’accès direct aux appartements depuis le parvis. Le symétrique de l’immeuble construit en 1901, sur l’aile Nord de la gare, est bâti en 1905. Il abrite les services d’octroi (bagages, police, colis…). La gare perd ses espaces verts en 1911, la place de la gare devient minérale et dénudée. 1932, le trafic automobile ayant augmenté, la gare est devenue un nœud de transport urbain. Un bâtiment, de forme arrondie, est donc construit sur la place de la gare. 

La gare de Strasbourg est protégée au titre des monuments historiques depuis le 28 décembre 1984. A ce titre, tous les travaux doivent donc répondre à la loi du 31 décembre 1913.

 

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La façade de la gare

 

La gare inaugure l'ère des grands édifices allemands d'après 1870. La longue façade s'anime d'un avant-corps central orné des armoiries de la ville, du Reich, de l'Alsace et de la Lorraine et de grands bas-reliefs allégoriques. Les statues et les bas-reliefs sont l’œuvre d’Otto Geyer, un sculpteur allemand (1842 - 1913).

Sur la façade extérieure du bâtiment central, les deux bas-reliefs représentent l’Alsace et la Lorraine. Les ailes du bâtiment portent de gigantesques écussons figurant les principales villes d’Alsace. La roue ailée, que l’on retrouve sur de nombreux bâtiments du réseau A-L, est l’emblème du « Eisenbahnen in Elsass Lothringen ».

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Les salons de l’empereur

 

Ces appartements devaient permettre à l’empereur d’être reçu avec honneur au sortir du train. On retrouve ce type d’aménagement à la gare de Metz. L’aspect général de ces lieux est resté identique à 1883. Plus que partout ailleurs dans la gare, la décoration est présente sur tous les éléments : plafonds, planchers, portes, menuiseries, horloge, cheminées, vitraux.

Les historiens rapportent que l’empereur et l’impératrice ne sont jamais venus dans ces salons. Les vitraux sont en verres coulé dits « verres d’Innsbruck » et signés par l’entreprise strasbourgeoise de vitraux des frères Ott.

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Le hall central

 

image013Sur les murs latéraux du hall, deux grands tableaux retraçaient le retour de l’Alsace dans la culture germanique. Le premier, intitulé Im alten Reich (Dans l’ancien empire), représente l’empereur Frédéric Barberousse remettant les joyaux de la couronne à la ville de Haguenau. Le second, Im neuen Reich (Dans le nouvel empire), montre la visite de Guillaume 1er en Alsace en 1877. Ces tableaux ont été peints par Hermann Knackfus, un peintre prussien (1848 - 1915), et ses élèves T. Mathei et A. Wagner.

Si l’on en croit la description des journalistes de l’époque, il était possible de reconnaître, dans les visages représentés, plusieurs hauts dignitaires du chemin de fer, de l’armée et de la ville de Strasbourg. Il semble que les peintures aient été déposées en 1918, lorsque Strasbourg est de nouveau devenue française. Leur destin a certainement été la destruction car on ne trouve aucune trace de ces deux peintures nulle part.

Dans le hall, encadrant l’entrée du souterrain central, deux statues allégoriques de Geyer représentent le commerce, l’industrie, et l’agriculture. Le plafond d’origine est composé de voûtains cannelés peints, directement suspendus aux fermes métalliques du bâtiment. La hauteur du hall central est de 17 mètres.

 

Sources des images et photographies

Bibliothèque nationale de France sur http://gallica.bnf.fr
   Débarcadère de Koenigshoffen - la gare en 1869, en 1890, en 1933 - Dans le nouvel empire

Archives SNCF
   La gare 1883

Photographies Patrick Peyre
   Bas-relief, Roue ailée sur sa colonne - Ecusson de Colmar - Ecusson de Mulhouse - Vitrail dans l’escalier - L’horloge - Lustre et plafond en bois sculpté et doré